Gravures européennes et gravures populaires grecques: Nouveaux prototypes pour la peinture murale profane (laïque) des XVIIIe et XIXe siècles


Μίλτος Γαρίδης
Abstract

Dans une très courte introduction sont d’abord esquissées les grandes lignes d’évolution de la peinture murale profane des XVIIIe et XIXe siècles et formulées les questions posées par l’étude de cette peinture qui orne— dans un cadre baroque-rococo—des maisons «bourgeoises» surtout en Macé­ doine Occidentale, mais aussi dans plusieurs régions et villes des Balkans, des îles grecques et d’Asie Mineure.

Ainsi sont abordés les problèmes des sources d’inspiration, des choix thématiques, de style.

Parmi les sujets traités par cette peinture, la représentation panoramique de villes célèbres, surtout Constantinople, tient une place importante. Leurs prototypes et sources d’inspiration ont dû être, à l’origine, des cartes et plans topographiques turcs et européens du XVIe siècle, des miniatures, des gravures.

Dans le courant du XVIIIe siècle, époque à partir de laquelle on peut suivre l’évolution de cette peinture profane, les peintres commencent à re­ produire, en les interprétant à leur manière et selon leur apprentissage, des gravures européennes contemporaines.

Dans cette étude, l’auteur se borne à signaler quelques gravures originales qui ont servi de prototypes pour des peintures murales.

Une telle gravure, représentant la ville de Francfort avait servi de modèle pour une peinture murale dans la maison Maliaguas à Siatista, en 1844. Kitsos Makris avait déjà identifié la gravure originale, œuvre de Johann Balthassar Probst de la 1ère moitié du XVIIIe siècle. L’auteur de la présente étude analyse le processus par lequel cette gravure est transposée en peinture murale.

Parmi les peintures murales de cette même maison Maliaguas à Siatista figure une image qui représente la ville de Madrid. L’auteur a pu identifier le prototype d’origine, une «veduta» de Madrid gravée sur cuivre à Augsburg au milieu du XVIIIe siècle, par Georg Balthassar Probst. Une ana lyse détaillée permet de suivre le processus de transposition de l’œuvre gravée en peinture murale ainsi que la manière dont ce thème est intégré stylistiquement dans une conception décorative d’ensemble, résultat de l’apprentissage du peintre dans la tradition et les conventions des peintures byzantine et orientale.

Dans une autre peinture représentant la ville de Constantinople, dans la maison Poulkidis à Siatista et datant de 1752-1759, l’auteur reconnaît un schéma général déjà fixé et répandu pour la représentation de cette ville et dont l’origine du noyau central doit remonter à des gravures et cartes to­ pographiques du XVIe siècle. Mais pour rendre, ici, le noyau central de la composition, le peintre a eu recours à une gravure grecque qui a eu plusieurs tirages différents à Venise et ailleurs au XVIIIe siècle et qui représente le Monastère de Vatopedi au Mont-Athos. Il s’agit d’une de ces gravures repré­ sentant des monastères—influencées, elles aussi, par les «vedute» de villes— et qui étaient distribuées ou vendues aux pèlerins.

C’est la première fois qu’une gravure grecque est identifiée comme une source précise d’inspiration pour la peinture profane et l’auteur tient à signaler ce fait. D’après les données de la gravure de Vatopédi qui a servi de modèle au noyau central de la ville de Constantinople, le Catholicon du monastère est censé représenter la Grande église d’Hagia Sophia. De plus, cette gravure est interprétée dans la peinture murale avec des intentions idéologiques bien précises. Le peintre y introduit—en plus d’éléments formels lé­ gués par les formes du baroque-rococo—des signes symboliques nouveaux de détail qui altèrent le contenu de la composition traditionnelle en la char­ geant d’allusions et de signes qui laissent apparaître ses aspirations à la libé­ ration nationale, à la victoire finale sur les Turcs, à la réalisation des vœux de revanche de l’Hellénisme et de la Chrétienté.

Ainsi, le sujet traditionnel des villes célèbres exerçant un attrait certain sur des couches montantes d’une société déterminée, est enrichi d’un nouveau contenu idéologique et militant.

Cette constatation ajoute un trait nouveau à ce genre de peinture dont l’étude est à peine à ses débuts.

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